Barbe & Cheveux
VS
Le CoronaVirus 2 du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère
(Virus : SRAS CoV-2 – Maladie : 2019-nCoV/COVID-19)
MàJ : 13/04/2020
Avant propos : ce texte n’a pas vocation médicale ou à émettre un quelconque avis scientifique. Nous ne sommes ni médecins, ni chercheurs.
Au mieux, notre posture est la même que Socrate : « je sais que je ne sais rien ».
Ce billet a pour seul but de vouloir vous apporter quelques précisions sur des points qui ont font débat.
Dans le flux incessant d’informations que nous traversons actuellement, difficile de connaître avec précision la portée et la valeur de certains propos.
Premièrement, arrêtons de nommer à tord et à travers le SRAS CoV-2 et le COVID-19 sous une seule et même appellation généraliste : «Coronavirus». Cette dénomination réductrice véhicule de fausses idées sur l’origine et les effets de la pandémie. «La dénomination des virus et celle des maladies passent par des processus différents et ont des finalités différentes.»[1]. La pandémie actuelle a été causée par un virus de la famille des Coronavirus. Les Coronavirus ne sont pas nouveaux, en revanche, ce virus l’est. A titre d’exemple, le VIH est le virus qui cause la maladie du Sida. Ici la logique est la même, le SRAS Cov-2 est le virus qui cause la maladie du 2019-nCoV/COVID-19.
Toutes les informations mises à jour sur le virus sont consultables sur le site de nombreux organismes de santé et de surveillance/contrôle des maladies. Les éléments et informations relatifs au nouveau coronavirus évoluent quotidiennement, c’est pourquoi il vaut mieux rester prudent. Préférez des sources fiables et renseignez vous régulièrement des nouvelles découvertes/mesures.
Maintenant, à l’essentiel du sujet. Faut-il se soucier de porter la barbe, la moustache au cœur de la pandémie du COVID-19 ? Quid de nos cheveux ?
– « LE VIRUS TIENT-IL SUR LA BARBE LORSQU’ON TOUSSE OU QU’ON ÉTERNUE » [2] ?
Le 22 Mars 2020, Patrick Pelloux, président de l’Association des Médecins Urgentistes de France, est interviewé au sujet du virus. Au détour d’une question, il indique que ce dernier peut tenir «plusieurs heures»[2] sur une barbe ou une moustache et que des études (sans citer lesquelles) ont montrées que la pilosité faciale était «très sale», de plus il affirme que pour de nombreux hygiénistes exerçant en établissement hospitalier, le besoin de se raser était une «évidence»[2] et que tout un chacun «découvrira l’importance de se laver régulièrement le visage»[2]. De son propre aveu, il n’était pas là pour attaquer de facto tous les barbus, mais qu’il savait depuis longtemps que les barbes étaient des milieux « sales ».
Cet argumentaire se justifie facilement de la part d’un praticien et urgentiste, les barbes représentent des milieux souillés par des germes, bactéries et autres organismes nuisibles pour la santé des patients/malades ou personnels soignants. D’un point de vue hygiéniste, la barbe est certainement un atour cosmétique non essentiel qui représente un risque supplémentaire dans la possible transmission d’agents pathogènes.
– « UNE BARBE ENTRETENUE N’EST PAS PLUS SALE QUE DES CHEVEUX LAVÉS RÉGULIÈREMENT » [3]
Dans un article du 24 Mars 2020, Bruno Grandbastien, président de la Société Française d’Hygiène hospitalière, explique selon lui, qu’il faut nuancer les recommandations de M. Pelloux tout en gardant à l’esprit qu’il convient de régulièrement «bien laver sa barbe car le virus y résiste plusieurs heures comme il résiste plusieurs heures sur certaines surfaces sèches»[3]. Il rappelle à juste titre qu’il faut en revenir «finalement à des règles d’hygiène de base»[3] pour tous et qu’il y a des choses très vraies dans ce que dit M. Pelloux, mais que cela «vaut surtout pour les soignants»[3]. L’objectif premier étant de ne pas expulser ou inhaler des particules porteuses du virus et de maintenir des conditions d’hygiène irréprochables, tout particulièrement en milieu hospitalier.
– POILS ET PORT DE MASQUE
Tout ceci nous ramène à un certain document qui a beaucoup circulé ces dernières semaines, faisant office d’explication à de nombreuses affirmations :
Édité par l’organisme américain Center for Disease Control and Prevention (CDC), ce document aurait eu pour vocation de recommander les styles de pilosité adaptés au bon port des masques/respirateurs dans la lutte contre l’épidémie de COVID-19, ce qui est inexact.
Le CDC a du rajouter la mention «intented for workers who wear tight-fitting respirators» après les nombreux partages qui ont détournés son origine. Le CDC a d’ailleurs démenti l’information par un tweet du 28 Février 2020[4]. Dans les faits, ce document a été publié dans un article du 2 Novembre 2017[5] sur un blog du CDC à l’occasion du «Movember». Cet article donnait des recommandations sur les différents styles pilo-faciaux à adopter pour les travailleurs et professionnels devant porter des masques/respirateurs (généralement de type N95/FFP2) mais qui souhaitaient participer et/ou supporter les différents événement liés à Movember[6] et à No-Shave November[7]. Cet article était à l’attention des ouvriers et travailleurs, plus qu’aux personnels soignants, afin d’alerter ces derniers sur les conséquences liées au port de la barbe dans les métiers exposés à des «gas, vapeurs ou particules» et qui nécessitent le port d’un masque/respirateur.
L’Agence France Presse a également débunké de nombreux propos sur le sujet.[8]
Nous barbiers-coiffeurs connaissons très bien ces événements que sont Movember et No-Shave November puisque beaucoup d’entre nous soutiennent ces opérations, en ce qu’elles consistent à une sensibilisation et une levée de fonds contre différentes formes de cancers masculins, avec des visuels forts qui encouragent les hommes à porter la barbe ou à se laisser pousser la moustache durant une période spécifique.
MàJ : La vraie question qui nous intéresse est la suivante : le port du masque est-il impératif/indispensable ou simplement situationnel ?
Je ne reviendrai pas sur la polémique des masques, mais de toute évidence, plus les informations nous parviennent et se font complexes, plus le port du masque semble devenir un besoin indispensable pour limiter les possibles scénarios de transmissions entre malades (symptomatiques et asymptomatiques) et personnes non malades. Le risque est double car : le virus possède un temps d’incubation moyen de 5 jours mais peut varier entre 1 à 14 jours (d’après l’OMS), vous pouvez donc contaminer d’autres personnes sans encore avoir développé de symptômes, ou sans en avoir si vous êtes malade asymptomatique. Le port du masque semble donc devenir de plus en plus nécessaire pour limiter la contagion et ce, en toutes circonstances.
Par ailleurs, certains rapports récents (dont un publié par la NAS) semblent faire naître un faisceau d’indices tendant à démontrer que le virus peut également se transmettre par simple respiration, mais comme précisé par Sciences et Avenir dans un article dédié, l’OMS juge les résultats pas suffisants en ce qu’ils révèlent que la transmission par petites gouttelettes « est limitée aux procédures générant des aérosols pendant les soins cliniques des patients Covid-19« [17]. La NAS ponctue sa note un peu plus prudemment et cite que « pour aucun virus respiratoire, la proportion exacte des infections dues à la transmission par gouttelettes d’air, aérosols ou surfaces contaminées n’est totalement établie, et de nombreux facteurs et situations individuels peuvent contribuer à l’importance de chaque voie de transmission.« [17]
– BON D’ACCORD, MAIS DE TOUTE FAÇON LA BARBE C’EST SALE, « COMME LA CUVETTE DES TOILETTES » ?
Depuis plusieurs années, des articles pullulent dans les médias, sous couvert d’études ou «faits» scientifiques. Ils sont nombreux à nous alerter que les barbes seraient des niches à germes et bactéries, «plus sales que la cuvette des toilettes»[9], et contenant même « plus de bactéries dangereuses que la fourrure des chiens »[10]. L’on trouve aussi dans la recherche ou la littérature scientifique, d’autres études ou démonstrations qui tendent à dire le contraire, allant parfois jusqu’à démontrer qu’elles seraient des barrières efficaces contre certaines infections, bactéries, germes ou microbes ou encore qu’on y trouverait des microbes susceptibles de lutter contre certaines bactéries[11].
Nous ne sommes pas là pour affirmer ou infirmer ces arguments, c’est un autre débat.
Nombre d’entre vous feront peut-être un lien logique entre saleté, exposition et contamination : plus sale = plus exposé ?
Dans les faits, il n’existe que peu ou pas suffisamment d’études dans la littérature scientifique sur la question des barbes et de leur rôle dans la transmission d’un virus (l’on vise ici spécifiquement les virus, pas les autres agents infectieux). La plupart se concentrent surtout sur leurs relations avec les «bactéries, et en soit, rien qui soit semblable à ce (corona)virus»[12]. Dans un même article du Huffpost, John Swartzberg, professeur (emeritus) clinique en maladies infectieuses à l’Université de Berkeley, pointe du doigt l’absence d’études scientifiques sur le sujet. Sans pour autant exclure une possible contamination au SRAS CoV-2 par transmission depuis les cheveux ou la barbe/moustache (à supposer que des particules virales se soient déposées ou aient été expulsées dessus par une personne malade et après contact vers la bouche, le nez ou les yeux). Il ajoute également qu’aucune étude ou preuve scientifique ne vient appuyer ses propres déclarations[12].
CONCLUSION (MàJ)
La communauté scientifique n’est pas vraiment d’accord, faute d’études ou preuves faisant consensus, chacun y va de sa propre affirmation selon ses certitudes, expériences ou opinions. Vous êtes libres des vôtres mais jugez vous plutôt au cas par cas. MàJ : En partant du postulat que la barbe puisse être un milieu à risque, en ce qu’elle représente un facteur passif de transmission, cela n’implique pas de manière absolue qu’elle présente un danger, mais pourrait représenter un risque supplémentaire non négligeable. Une barbe sale peut accumuler beaucoup de particules et celle-ci est en contact direct avec le nez et la bouche, donc possiblement, en lien direct avec fosse nasale et poumons. Des rapports et témoignages semblent également indiquer, sans pouvoir en donner les raisons, que les formes graves de COVID-19 semblent plus fréquentes chez les hommes et notamment s’ils sont en surpoids[19]. Ceci s’expliquerai en raisons de facteurs aggravants qui n’ont rien à voir avec la barbe, mais qui ont tout à voir avec le fait d’être un homme.
La question se posera peut-être de savoir si le port du masque deviendra obligatoire, beaucoup semblent le croire et plusieurs décisions semblent l’indiquer. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a lui-même déclaré dans une conférence de presse du 08/04/2020 que « le port du masque deviendra obligatoire lorsque la date du déconfinement sera annoncée par le gouvernement »[17]
Si ce moment vient, il faudra peut-être respecter une attitude bien différente et s’assurer que le port de la barbe/moustache ne vient pas empêcher ou perturber l’efficacité des masques recommandés ou mis à disposition.
A quel point êtes-vous exposé au virus de par votre environnement (géographiquement, paramètres urbains, « régions foyers », fréquence des déplacements) ? Faites vous parti des individus vulnérables à la maladie en raison de votre état de santé ou de caractéristiques personnelles (âge, sexe, maladies chroniques, facteurs aggravants, surpoids/obésité) ? Tous ces paramètres vous permettront de réduire sensiblement le champ des possibilités.
«Les études menées à ce jour semblent indiquer que le virus responsable de la COVID-19 est principalement transmissible par contact avec des gouttelettes respiratoires, plutôt que par voie aérienne»[13].
Le facteur à risque de la barbe/moustache/cheveux est d’inciter souvent à de l’entretien ou à des réflexes de toucher, qu’ils soient conscients ou inconscients (par habitude, narcissisme, etc), ces innombrables contacts quotidiens peuvent présenter un facteur supplémentaire de contamination.
C’est donc à vous de faire en sorte de briser cette chaine possible de contagion. Abstenez-vous au possible de vous toucher le visage ou mettez en place des habitudes/reflexes d’hygiène efficaces et quotidiennes contre le virus.
Il faut garder en tête que la charge virale à laquelle vous êtes exposé pourrait aussi jouer un rôle dans la transmission du virus et sur la sévérité des symptômes que vous pourriez développer en cas de contamination avérée[14]. Une étude publiée le 17 Mars 2020 par Le Journal de Médecine de Nouvelle Angleterre tend vers cette supposition et précise également que la «transmission du COVID-19 par aérosols ou par objets inanimés est plausible»[15] puisque ce dernier peut rester viable et infectieux plusieurs heures pour les aérosols, à plusieurs jours pour les surfaces selon la nature de celles-ci. Alexandre Bleibtreu, infectiologue à l’hôpital de la Piété-Salpêtrière à Paris nuance les propos tenus au sujet de la charge virale et de son incidence sur l’apparition et la gravité de la maladie et appelle à rester mesuré car «on ne sait pas grand-chose» faute de «données suffisantes sur ce point»[16].
L’absence de preuve ne constitue pas une preuve en soi pour plaider vers une direction ou une autre, et n’est vrai ce qui l’est jusqu’à preuve du contraire. Quand on avance en aveugle la prudence doit l’emporter.
- Si vous craignez intimement que votre barbe puisse présenter un risque supplémentaire, dans ca cas, rasez la. Elle repoussera et vous aurez ce souci en moins sur la conscience (les névroses et psychoses liées au nouveau coronavirus font des ravages parmi les populations tant le spectre des symptômes est important). Ne sous-estimez pas l’impact psychologique que la pandémie pourrait avoir sur vous ou votre équilibre mental durant le confinement.
- Si votre profession ou activité professionnelle vous expose davantage au virus, vous oblige à sortir fréquemment et/ou à côtoyer des milieux potentiellement exposés, rasez-vous ou adoptez un port de barbe/moustache qui soit compatible au bon port d’un masque protecteur. Suivez les consignes sanitaires qui sont imposées par nécessité ou précaution.
- A contrario, si vous n’êtes obligé à aucune autre disposition, que vous estimez être peu (le risque zéro n’existe pas) exposé au virus et souhaitez garder votre tendre compagne poilue, rien ne semble scientifiquement et catégoriquement s’y opposer. Il faudra par contre être encore plus rigoureux sur votre hygiène faciale, sur celle de vos mains et de vos cheveux.
Tous ces « conseils » sont valables également pour les cheveux, ou toute autre partie du corps. Les médecins sont au moins d’accord sur le fait que vos gestes d’hygiène seront parmi les plus efficaces.
Restez chez vous (pour vous-même, vos proches et autrui), restez prudents, respectez les consignes élémentaires d’hygiène et de distanciation.
Bon courage et meilleures pensées à vous 🙂
Sources (reportez vous à la note citée) :
- [1] https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance/naming-the-coronavirus-disease-(covid-2019)-and-the-virus-that-causes-it
- [2] https://www.bfmtv.com/sante/la-barbe-c-est-sale-patrick-pelloux-recommande-de-se-raser-pour-lutter-contre-le-coronavirus-1880004.html
- [3] https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200324.OBS26509/faut-il-se-raser-la-barbe-pour-eviter-la-contamination-au-covid-19.htm
- [4] https://twitter.com/cdcgov/status/1233486735578976257
- [5] https://blogs.cdc.gov/niosh-science-blog/2017/11/02/noshave/
- [6] https://fr.movember.com/
- [7] https://no-shave.org/
- [8] https://factuel.afp.com/les-autorites-ne-recommandent-pas-de-se-raser-la-barbe-pour-se-proteger-du-coronavirus
- [9] https://www.lesoir.be/art/827603/article/victoire/air-du-temps/2015-03-20/barbes-plus-sales-que-cuvette-des-toilettes
- [10] https://www.livescience.com/65293-beards-are-super-germy.html
- [11] https://www.independent.co.uk/news/science/beards-good-for-health-more-hygienic-bacteria-resistant-than-shaven-skin-study-finds-a6823461.html
- [12] https://www.huffpost.com/entry/beard-coronavirus_l_5e7cac14c5b6cb9dc19b5469
- [13] https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/advice-for-public/q-a-coronaviruses
- [14] https://www.lejsl.com/france-monde/2020/03/26/coronavirus-la-charge-virale-a-t-elle-un-lien-avec-la-gravite-de-la-maladie
- [15] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2004973?query=featured_home
- [16] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-plus-on-est-expose-plus-on-risque-de-developper-une-forme-severe-du-covid-19-il-est-trop-tot-pour-l-affirmer_3880879.html
- [17] https://www.nicematin.com/faits-de-societe/le-port-du-masque-sera-obligatoire-a-nice-une-fois-la-date-du-deconfinement-annoncee-toutes-les-communes-de-la-metropole-pourront-en-disposer-493216
- [18] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coronavirus-la-seule-respiration-pourrait-suffire-a-transmettre-l-infection-a-covid-19_143263
- [19] https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200410.OBS27344/majorite-d-hommes-et-de-personnes-en-surpoids-le-profil-type-des-patients-atteints-de-cas-graves-se-precise.html